Si Vire peut s’enorgueillir d’un passé historique glorieux, il faut attendre le XIXe siècle pour qu’une production mobilière très typée vienne parfaire, dans les maisons de granit bleu, nichées dans l’écrin de verdure du Bocage, les décors des Virois et de la région environnante.
Il est reconnu, je crois sans conteste, que le travail réalisé dans le Bocage Virois (Vire et une périphérie d’environ 20 km) possède un plus qui se caractérise par une finesse de sculpture, une puissance et une nervosité qui font vivre les détails, une harmonie générale qui fait penser à une musique bien composée.
Ces armoires « en robes de mariées » sont là pour ravir l’oeil et en même temps l’apaiser ; poèmes achevés, elles sont le témoignage constant de nos traditions.
À notre connaissance, un des premiers laissant trace est Thomas Blanvillan qui fit en 1535 des bancs pour l’Eglise de Mesnil-Clinchamps. Puis « l’an 1609 le samedi 9 May » François Gaucher et Colas son Fils, livrèrent, également à Mesnil-Clinchamps, « le grand banc à dossier et quatre chaises qui se haussent et s’abaissent » le tout pour Quatre livres’’.
Au XVIIe et au XVIIIe siècles, quelques ateliers travaillent pour la région. Il nous faut, cependant, attendre le XIXe siècle pour voir littéralement éclater la production de cette région. Pourquoi ? Plusieurs réponses qui toutefois se regroupent :
L’armée napoléonienne fit grande consommation de drap pour habiller ses soldats. Les « foulons » virois surent profiter de cette demande et en retirer tous les bénéfices possibles. Cette aisance, vite connue, favorise l’installation d’artisans. L’éternel effet « Boule de neige » d’une région qui réussit.
Notamment entre 1811 et 1814 – période pendant laquelle l’Empire autorise les hommes contractant mariage à rentrer chez eux, après de trop longues guerres. Si la plupart retournent à l’agriculture, les plus qualifiés retrouvent, avec bonheur, ciseaux et gouges.
Les meilleurs sculpteurs voient, à la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècles, s’épurer les lignes du mobilier (notamment dans l’esprit de G. Jacob), triompher le placage, réservé aux ébénistes. Ces traits simplifiés vont, du reste, favoriser l’épanouissement des premières fabrications de meubles en série ! Oui – déjà Ils doivent alors porter ailleurs leur talent.
Nous réunissons là trois conditions essentielles : le financement - la main d'œuvre - le savoir-faire ou la connaissance. L’ensemble de ces critères interviennent dans le prix d’une armoire normande.
Une suite est donnée à cet article : Les armoires normandes : les sculpteurs
Claude Vilars est expert en mobilier et objets d’art du XVIIIe siècle, mobilier régional, art populaire, ex-voto et compagnonnage. Membre de la Fnepsa depuis 1986. Trésorier national depuis 2003.
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