Je suis expert en bijoux installé à Monaco. Il y a quelques années de cela, une dame vient me voir. Elle sort de son sac une œuvre d’art qu’elle me présente comme un dessin d’Utrillo. Je remarque immédiatement que, figurant sur un cahier Clairefontaine, il est impossible que ce dessin ait pu être de la main du maître. Mais cette dame est persuadée qu’elle détient une œuvre authentique et pendant plus d’une heure, j’ai du mal à lui faire entendre raison.
Ceci dit, malgré son désappointement, elle plonge de nouveau la main dans son sac et en tire des éléments en or qu’elle me demande de faire fondre. C’était la vraie raison de sa venue. Mon attention est immédiatement captée. Il y a là des serpents, des chauves-souris, des insectes. Je les observe attentivement. Ils sortent de la même main, celle d’un orfèvre maîtrisant clairement sa technique. Je manipule tous ces éléments, je les dispose devant moi comme pour en reconstituer le puzzle. Ma cliente me dit que je perds mon temps, qu’elle déteste les insectes et autres animaux rampants. Seul l’intéresse le prix du poids de l’or. Mais mon intuition me souffle de persister, de trouver la solution de cette énigme en trois dimensions. Je suis admiratif du rendu de l’anatomie de ces animaux, du talent du dessinateur à saisir leur mouvement. À n’en pas douter, je suis face à une parure de l’époque Art nouveau qui avait été complètement démontée. C’est d’une qualité équivalente à celle d’un Lalique. J’expertise ce collier si typiquement 1900 à un prix bien plus important que celui du poids de l’or. Le visage de ma cliente s’est alors transformé. Si elle n’en démord pas sur son faux Utrillo, elle est repartie avec une surprise qu’elle n’attendait certainement pas. Mais alors pas du tout !
François Würz est expert en bijouterie, gemmologie, joaillerie, argenterie, orfèvrerie, numismatique et sigillographie. Membre de la Fnepsa depuis 1992. Membre du Conseil d'Administration depuis 2021.
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