La reliure, en tant qu'objet, renvoie à la passionnante histoire du livre, à son rôle et à sa diffusion à travers les siècles. Elle est à la fois une technique et un art, résultat de deux actes successifs : la protection et la décoration. Les relieurs qui se sont consacrés à cette tâche au fil des siècles n'ont cessé de contribuer à l'évolution de leur art. Ils ont, ainsi, fait rentrer la reliure dans le monde des Arts décoratifs.
La photo, le cinéma, la peinture, la sculpture, la gravure, l'art du feu mais aussi la littérature... tous les arts ont, de tout temps, ont inclus et représenté des livres. Et cela, qu'il s'agisse d'œuvres précises, d'ouvrages anonymes, que le livre soit au centre de la composition ou n'y figure qu'à titre de motif, de volume plastique. Dans cette étude, nous soulignerons la valeur non seulement esthétique mais aussi historiographique de cet usage. La structure du livre, ainsi que les styles de décoration ont évolué lentement à travers les siècles, progressant de façons différentes selon les pays mais parallèlement aux autres arts tels que la peinture, la sculpture ou le dessin, par exemple.
Ainsi, en étudiant les représentations du livre dans les arts, toutes époques confondues, nous découvrirons que l'histoire du livre sous ses différents aspects, techniques et décoratifs, accompagne celle des civilisations. Nous allons commencer par le siècle des lumières.
1. Les livres comme attributs du savoir au XVIIIe siècle
Le livre imprimé constitue le principal vecteur de la philosophie des Lumières, il est au centre de toute la vie intellectuelle et scientifique européenne de ce siècle.
Qu'il soit fait pour le plaisir des yeux, pour l'étude ou la diffusion des idées, il devient séducteur, usant de la couleur. Les livres témoignent toujours de l'esthétisme et des valeurs de leur temps.
Une place considérable est occupée par les grandes collections d'ouvrages documentés dont l' « Encyclopédie » de Diderot et d'Alembert : il s'agit de mettre à disposition l'ensemble des connaissances humaines en les présentant de manière critique.
Les reliures du XVIIIe siècle montrent une correspondance remarquable entre les styles des reliures et les formes mises en œuvre dans les arts décoratifs (mobilier, ferronnerie, broderie, etc....).
Il apparaît que les reliures de luxe ne sont plus limitées au cadre de la bibliothèque savante, à la fois signe social et objet de délections, elles sont intégrées à l'ensemble du mode de vie des catégories sociales fortunées.
2. Les représentations
Le XVIIIe siècle est marqué par le développement de la bibliophilie et le goût des grandes collections, qui soutiennent la floraison d’un art du livre misant sur l’élégance.
On voit de plus en plus des livres de petit format et de faible épaisseur et on parvient même à fabriquer des livres minuscules. Le siècle voit aussi l’avènement de collections de format in- octavo, appelés alors bibliothèques, ou des recueils d’œuvres complètes ou choisies.
Le livre apparait comme le garant de la renommée et de la grandeur des personnages, d’où les portraits réalisés avec des livres. Témoignage culturel, signe d’appartenance, manifestation d’intérêt pour les choses de l’esprit, profession de foi publique sur tel ou tel sujet, le livre ne doit pas nécessairement, pour signifier tout cela, être l’œuvre du personnage représenté.
Le culte du livre et l’engouement pour la lecture deviennent l’emblème de ce siècle. Le portrait de l’auteur représenté avec un livre fait partie des traditions iconographiques les plus stables (Fragonard, Tiepolo).
Les reines et grandes dames de la cour se font représenter avec des livres soulignant leur rôle de protectrices des belles lettres et lectrices raffinées.
Les livres ont été et sont toujours thésaurisés comme objets d'art et aussi en tant que contenant intellectuel.
Porter une attention particulière à leur aspect extérieur fait partie d'une longue tradition : formes, formats peuvent subtilement influencer la façon dont le livre est approché. Et ainsi, ne serait-ce que la présentation physique du texte prédispose ou non à la lecture, et cela, avant même qu'une ligne ne soit lue.
Le livre, objet familier, dont l'histoire se mêle à celle de la pensée, rayonne d'une aura mystérieuse.
En conclusion, fondé sur l'Ecriture, le christianisme a permis au livre de devenir, au fil des siècles, une figure centrale des représentations du monde.
Isabelle Scappazzoni est expert technicien en livres anciens et modernes, enluminures et reliures. Membre de la Fnepsa depuis 2009. Secrétaire générale depuis 2018.
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