Un jour, je reçois un appel d’un monsieur d’un certain âge qui possède une statue africaine lui venant de son oncle. Compte tenu de l’importante distance physique qui nous sépare, je lui demande une description de la sculpture afin d’essayer de me faire une idée. À l’écouter, il s’agit d’un objet sans réel intérêt. Haute de quarante centimètres, la statue représente un Africain debout vêtu d’une veste européenne et d’un chapeau colonial dont les bords sont en partie accidentés. C’est donc ce que l’on appelle, dans notre jargon, un « colon ». Ces sculptures, souvenirs de voyage par excellence et articles favoris des enseignes d’importation, sont de nos jours très à la mode et sans valeur financière. Je demande quand même à mon interlocuteur de m’envoyer une ou deux photos, histoire d’être sûr à 100%.
Un matin, je reçois des polaroïds dans un courrier. Leur vue me donne un électrochoc... J’appelle immédiatement mon client pour lui dire qu’il recevra ma visite trois heures plus tard, le temps de faire le trajet.
L’objet m’attend là, sur la table de la salle à manger. Il est tel qu’on le rêve. Il ne vient pas de son oncle, mais de son grand-oncle qui l’avait rapporté dans les années 1880 alors qu’il sillonnait l’Afrique. La statue n’a rien à voir avec un « colon » d’Afrique de l’Ouest. Il est dans le plus pur style Kongo. Le visage est noirci et des morceaux de verre sont encastrés dans les orbites formant des pupilles noires, peintes sur l’envers. Il est nu en dehors du chapeau et de la veste occidentale.
Mon client souhaite me la confier pour expertise et me charge de trouver la meilleure vente aux enchères pour l’y inclure. Ma première estimation, avant des recherches plus approfondies, est pour lui une superbe surprise.
On ne devient bien sûr pas expert du jour au lendemain. Le temps, l’expérience, notre œil et nos connaissances sont nos meilleurs alliés pour construire notre immense bibliothèque mentale dont les informations utiles surgissent dès que l’on rencontre un objet. C’est notre force la plus précieuse.
Jean-Claude Herrera Gutierrez est expert en arts premiers. Membre de la Fnepsa depuis 2007.
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